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Peuples et connaissance du Nord - 
Expédition canadienne dans l'Arctique (1913-1918)
L'incidence de l'Expédition
 
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Incidence

 

Incidence


L'Expédition canadienne dans l'Arctique (ECA) a une incidence considérable sur les collectivités nordiques inuites et inuvialuites ainsi que dans le sud, où les connaissances acquises ont ouvert un monde nouveau. Les chasseurs inupiats de l'Alaska, Natkusiak entre autres, déménagent dans l'Arctique canadien à titre d'employés de l'ECA, épousent des femmes de la région et demeurent là après le départ de l'Expédition. Grâce au troc, les Inuits du cuivre disposent de nouveaux outils, de fusils et de divers ustensiles. Le piégeage du renard est établi localement comme industrie et mode de vie. Deux des goélettes de l'Expédition sont laissées sur place et deviennent des points d'attraction pour divers camps et établissements. L'abandon du Mary Sachs dans le sud de l'île Banks et l'acquisition du North Star par Natkusiak, de même que l'introduction du piégeage du renard, entraînent une utilisation accrue de l'île Banks par les Inuvialuits.

Les quatre îles découvertes en 1915 et 1916 par l'équipe nord de Stefansson sont les dernières grandes îles découvertes dans l'Extrême-Arctique du pays et les seules d'importance à l'avoir été par une expédition canadienne. Plusieurs autres îles inconnues sont découvertes depuis les airs après la Seconde Guerre mondiale lors de vols destinés à compléter la collection de photographies aériennes du Nord. Les expéditions de l'ECA sur les glaces confirment que la terre de Croker (nord-ouest de l'archipel Arctique) et celle de Keenan (Alaska septentrional) n'existent pas. En outre, les mesures de la profondeur de l'océan réalisées régulièrement durant ces voyages permettent d'établir la nature de la plate-forme continentale polaire.

L'équipe sud revient avec des milliers de spécimens d'animaux, de plantes, de fossiles et de roches, des milliers d'artéfacts produits par les Inuits du cuivre et d'autres cultures, et quelque 4 000 photographies et environ 2 740 mètres de pellicule cinématographique représentant tous les aspects de l'Expédition et ses objectifs. Ce matériel a servi à d'innombrables projets et publications scientifiques, y compris des clés d'identification et des guides. Les photographies continuent d'être reproduites dans beaucoup d'ouvrages, tandis que les films tournés par Wilkins passent encore dans de nombreuses émissions de télévision et de multiples productions de l'Office national du film. Maints artéfacts et spécimens recueillis, y compris certains des plus grands mammifères qui ont été naturalisés par des taxidermistes, sont présentés dans des expositions permanentes et itinérantes de musées des quatre coins du Canada.

Quatorze volumes des résultats et de nombreuses communications scientifiques sont publiés. Quatre livres ont été rédigés sur le désastre du Karluk et le sauvetage de l'équipage depuis l'île Wrangel, mais une bonne partie du récit de cette première grande expédition scientifique canadienne demeure toujours dans les journaux tenus par ses membres. Il en existe au moins 20, mais seul celui de Diamond Jenness a été entièrement publié (Arctic Odyssey). Parmi les livres sur l'équipe nord, on trouve The Friendly Arctic, de Stefansson, With Stefansson in the Arctic, de Harold Noice, et Advetures in the Arctic, de Richard Montgomery, qui s'inspire du journal de Lorne Knight. The Shaman's Revenge, livre jeunesse publié par Violet Irwin en 1925, s'inspire des journaux de Stefansson et fait revivre une bonne partie des travaux de l'équipe nord. Il se concentre sur les événements qui se sont déroulés sur les îles Banks et Melville, y compris la destruction du Mary Sachs. Les seuls livres qui traitent des réalisations de l'équipe sud sont The People of the Twilight et Dawn in Arctic Alaska, de Jenness.

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Couverture d'un rapport type de l'ECA. Source : David Gray


L'établissement de la souveraineté
Préoccupé, le gouvernement canadien tient clairement à établir la souveraineté du pays sur toute nouvelle terre découverte par l'ECA. Pendant sept ans, soit de 1914 à 1920, l'honorable J.C. Patterson touche un salaire annuel de 2 400 $ pour étudier les titres des possessions britanniques dans les mers arctiques. Ex-ministre de la Milice et ex-secrétaire d'État, il a aussi été lieutenant-gouverneur du Manitoba entre 1895 et 1900.

Les craintes sont justifiées. Un bon nombre d'îles de l'Arctique dont la souveraineté a été transférée du Royaume-Uni au Canada en 1881 avaient été découvertes par l'explorateur norvégien Otto Sverdrup, qui en avait également dressé la carte. Des explorateurs américains avaient beaucoup visité les îles « canadiennes », alors que peu de Canadiens s'y étaient rendus. Tandis que Stefansson explore l'archipel Arctique à partir de l'ouest, l'explorateur américain Donald MacMillan retrace les pas de Sverdrup et confirme, lui aussi, l'inexistence de la « Terre de Croker » de Peary, qui est censée se trouver au nord de l'île Axel-Heiberg. Depuis sa base au Groenland, MacMillan se rend sur l'île Ellef-Ringnes en avril 1916, à peine trois mois avant que Stefansson y trouve son cairn et ses messages. (Note : C'est le capitaine Robert Bartlett, ex-capitaine du Karluk de l'ECA, qui ramène l'équipe de MacMillan chez elle sur le navire Neptune en 1917.)

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Bernard Harbour
L'emplacement du quartier général de l'équipe sud de l'ECA devient un magasin de la Compagnie de la Baie d'Hudson (1916-1932) et la base de la mission anglicane qui s'établit dans la région à l'été 1916, peu après le départ de l'Expédition. La mission ferme ses portes en 1928. Plus tard, un poste de la GRC (1926-1932) voit le jour. Compte tenu de ce pôle d'attraction, de plus en plus d'Inuits du cuivre concentrent leurs activités dans la région. La construction d'un réseau d'alerte avancé et d'une bande d'atterrissage entraîne l'accroissement de la population. Après la fermeture de ces installations, la plupart des gens déménagent à Coppermine, qui est rebaptisé Kugluktuk par la suite. Aime Ahegona, de Kugluktuk, exploite un site de villégiature près du ruisseau de pêche qui se trouve à proximité de l'emplacement du quartier général de l'ECA.

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MCC CD2001-250-027

Le Fort McPherson, bateau de la Compagnie de la Baie d'Hudson, sur le point d'appareiller pour Bernard Harbour avec des matériaux de construction destinés à l'établissement d'un poste de traite à cet endroit, île Herschel (Yukon). 4 août 1916. GHW 51372. Source : Musée canadien des civilisations


Sachs Harbour
Sachs Harbour est la collectivité la plus septentrionale des nouveaux Territoires du Nord-Ouest. Le havre est d'abord décrit par certains membres de l'Expédition canadienne dans l'Arctique (1913-1918) qui, se trouvant à bord de la goélette Mary Sachs, jettent l'ancre brièvement derrière la langue de sable en août 1914. À cette époque, personne n'habite l'île à l'année longue, mais des sites archéologiques, qui se trouvent le long de la côte et datent de la période de Thulé, révèlent la présence d'humains dans la région il y a environ 500 ans. Son nom traditionnel, Ikaahuk (l'endroit vers où l'on traverse), évoque à la fois les déplacements effectués de l'île Victoria à l'île Banks pour la chasse, et plus tard, l'utilisation saisonnière de l'île pour le piégeage du renard.

Après le départ de l'Expédition canadienne dans l'Arctique en 1917, les activités de piégeage du renard s'intensifient sur l'île Banks, et plusieurs camps sont établis le long des côtes par des personnes en provenance du delta du Mackenzie et de l'île Victoria. Durant la période baptisée « âge des goélettes », Sachs Harbour fournit un endroit où il est possible de tirer les goélettes au sec en toute sécurité grâce à la protection de la grande langue de sable située à l'embouchure de la rivière Sachs. Le nom actuel du havre paraît pour la première fois sur des cartes officielles en 1946.

Les trappeurs inuvialuits hivernent pour la première fois à Sachs Harbour en 1932. Durant l'hiver 1941, sept familles vivent dans un camp à cet endroit. Après une brève période où les activités se font au ralenti, celles-ci reprennent au début des années 1950. Un poste de la GRC est établi en 1953, suivi par un bureau de poste et une station météorologique en 1955. Le nom du village est officialisé en 1955. En 1958, Fred Carpenter, qui avait construit la première habitation de villégiature à la fin des années 1930, ouvre un magasin et un poste de traite afin de desservir les huit familles qui pratiquent le piégeage dans les environs.

À Sachs Harbour, les années 1960 apportent d'autres grands changements à la vie communautaire. Les gens commencent à y passer l'été, et le dernier séjour d'une goélette remonte à 1961. En 1966, toute l'île Banks est enregistrée comme région de piégeage en groupe où seuls les membres de la Sachs Harbour Hunters' and Trappers' Association ont le droit de piéger. L'année suivante, dans le contexte d'un projet consacré au centenaire du Canada, un cairn incorporant des pièces des moteurs de la goélette Mary Sachs est élevé à flanc de coteau au-dessus de Sachs Harbour afin de commémorer sa fondation.

Aucun bœuf musqué n'a été vu sur l'île Banks durant l'ECA, mais au début des années 1970, il y a tellement d'individus de cette espèce que la chasse est permise. À partir de 1981, Sachs Harbour assiste aux débuts de la chasse sportive du bœuf musqué et au développement d'une industrie locale de la viande. Plus personne ne passe l'hiver dans les campements, mais ces derniers représentent un élément important du mode de vie des trappeurs et des chasseurs du coin. La population actuelle, d'environ 330 âmes, est surtout constituée d'Inuvialuits.

L'économie de Sachs Harbour repose principalement sur la chasse et le piégeage. Le tourisme, pour sa part, prend de plus en plus d'importance. L'établissement du Parc national Aulavik dans l'île Banks septentrionale s'avère une initiative majeure dans le développement de ce secteur.

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Sachs Harbour, île Banks. Juin 1996. Source : David Gray


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Motoneige et komatik (avec peau de bœuf musqué), Sachs Harbour, juin 1996. Source : David Gray


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Tête et peau de bœuf musqué, Sachs Harbour. Juin 1996. Source : David Gray


In memoriam
La plaque commémorative officielle énumère toutes les personnes décédées durant l'ECA de 1913-1918. Dédiée en leur mémoire, elle est exposée dans l'édifice des Archives nationales à Ottawa en 1926. Elle est perdue lors du démantèlement de cet immeuble. Si jamais elle est refaite, on pourrait en profiter pour y ajouter un nom, celui de Pipsuk.

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Plaque, créée vers 1926, en mémoire des personnes qui ont péri durant l'Expédition canadienne dans l'Arctique. Source : Musée canadien de la nature