Un espion espagnol

Navire


Les efforts déployés par l'Angleterre pour tenter de découvrir un passage par le nord-ouest, puis la découverte « d'or » dans l'Arctique, attirèrent l'attention de nations européennes rivales de l'Angleterre. L'Espagne était particulièrement intéressée, d'abord parce qu'elle craignait que les expéditions n'empiètent sur les terres espagnoles, et plus tard parce qu'elle ne voulait pas que l'Angleterre puisse lui livrer concurrence sur le contrôle d'une partie importante du commerce mondial de métaux précieux.

En 1578, le roi Philippe II d'Espagne dépêcha Don Bernardino de Mendoza à Londres pour succéder à l'ambassadeur d'Espagne, récemment emprisonné à cause du rôle qu'il avait joué dans un complot destiné à expulser les Anglais d'Irlande. Bien évidemment, les Anglais ne faisaient pas particulièrement confiance à ce nouveau représentant de l'Espagne. Il arrivait parfois que ses messages codés destinés au roi Philippe soient interceptés et décodés. En revanche, d'autres missives parvinrent à destination.

Des études et des examens récents de ces lettres révèlent clairement que Mendoza avait placé un informateur à bord d'un navire lors du voyage effectué par Frobisher en 1578. Dans une lettre qu'il écrivit au roi, datée du 7 octobre 1578, Mendoza rapporte que les navires de Frobisher étaient rentrés en Angleterre, mais qu'il n'avait pas eu de nouvelles de son informateur. Par contre, une autre lettre, datée du 15 novembre, résume assez précisément les activités de Frobisher pendant l'expédition. Une carte de l'itinéraire ainsi que des échantillons de minerai lui étaient parvenus clandestinement.

Lettre codée La première page d'un message codé du 15 novembre 1578
(AGS, Estado, leg. 381, f. 266)

 
Gracieuseté d'Archivo General de Simancas,
(Ministerio de Cultura de España)

 

Qui était l'espion? L'indice principal dont on dispose au sujet de son identité consiste en une déclaration selon laquelle l'homme en question aurait participé à l'une des importantes analyses scientifiques effectuées à Londres. Robert Denham, principal analyste de métaux précieux de Frobisher lors de la troisième expédition, est le seul homme qui ait participé aux analyses effectuées à Londres et à l'expédition de 1578. Pourtant, les motifs qui l'auraient poussé à l'espionnage ne sont pas clairs. Orfèvre bien établi à Londres, il touchait une pension annuelle de 50 £ en échange de son travail dans le cadre du projet Frobisher. Il était protestant. Il risquait d'être exécuté s'il était découvert. Il se peut qu'il ait en fait été un agent double, travaillant pour le compte de la Reine afin de disséminer des renseignements faux.

Selon une autre théorie, le coupable serait plutôt Edmund Stafford, analyste de métaux précieux et mercenaire, un sombre personnage dont on ne sait pas grand-chose de sûr et qui se volatilise pratiquement après 1578, comme si le nom était en fait une identité fausse assumée pour quelqu'un d'autre. Le cas échéant, George Best - qui allait lui-même souvent à l'encontre des ordres officiels en diffusant publiquement de l'information concernant les expéditions - était peut-être au courant de la ruse, car il a appuyé la fonction de Stafford parmi l'équipage de l'Aid et il avait des liens de parenté avec la famille Stafford.

L'intérêt du roi Philippe II pour les voyages de Frobisher disparut lorsqu'il fut révélé que les échantillons de minerai rapportés en Angleterre ne contenaient aucun métal précieux.



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