orsque les analyses effectuées sur le petit échantillon de minerai rapporté de l'Arctique en 1576 suggérèrent une forte teneur en or, le but des missions futures devint l'extraction de quantités importantes de ce minerai à l'île Kodlunarn et à d'autres endroits de la région. Deux types de minerai furent analysés : le « minerai noir », formant le gros de ce qui avait été extrait, et le « minerai rouge », extrait à un seul endroit. La plupart des analyses ont révélé que la teneur en argent était supérieure même à la teneur en or. Toutefois, c'est l'or qui intéressait les investisseurs à l'époque élisabéthaine.

Comme l'exploitation minière était le but principal des expéditions plus importantes, et comme l'échec financier du projet est attribuable au fait que le minerai ne contenait pas l'or qu'on pensait, la connaissance de la nature du minerai constitue une des clés de l'histoire des voyages de Frobisher. L'une des recherches les plus récentes, menée par le géologue Donald Hogarth, avait donc pour objectif de découvrir des échantillons du minerai afin de les soumettre à des contrôles scientifiques modernes.

Il a retrouvé le minerai exploité par Frobisher à trois endroits.

Les mines de la région de l'île de Baffin

On sait que les équipes de Frobisher ont extrait du minerai à au moins dix endroits. Les deux mines à ciel ouvert de l'île Kodlunarn sont les mieux connues. L'une d'elles, la tranchée du navire [Ship's Trench], a probablement été ouverte en 1577 et on en a retiré 158 tonnes de minerai. L'autre, la tranchée du réservoir [Reservoir Trench], a probablement été exploitée en 1578 et a produit seulement 65 tonnes de roche dure, extraite avec beaucoup de difficulté. La mine la plus productive, nommée en l'honneur de la comtesse de Sussex, se trouvait sur la masse continentale de l'île de Baffin. À cet emplacement, en environ deux semaines, 60 mineurs ont extrait 455 tonnes de minerai. Un troisième emplacement se trouve entre ces deux premiers, sur l'île Newland. Il s'agit d'une petite excavation dont on retira seulement 5 tonnes de minerai en 1578. On connaît l'emplacement approximatif des autres mines, mais leur emplacement exact n'a pas encore été redécouvert.

Smerwick Harbour, Irlande

L'un des bâtiments qui faisait partie de l'expédition de 1578, l'Emanuel of Bridgwater, probablement endommagé par les glaces et les tempêtes qui ragent dans les eaux de l'Arctique, éprouva des difficultés pendant le voyage du retour et parvint à peine à gagner la côte de l'Irlande. Le capitaine fut contraint d'échouer le navire sur la plage de la baie de Smerwick. L'équipage réussit à décharger environ 100 tonnes de minerai, mais dut en laisser une partie dans l'épave.

Dartford, Angleterre

Le minerai rapporté de l'expédition de 1578 fut transporté jusqu'aux fours de Dartford, qui avaient été construits spécialement à cette fin. Lorsqu'on découvrit que le minerai ne contenait pas de métaux précieux, il fut jeté et les habitants de la région s'en servirent comme matériau de construction. On peut encore aujourd'hui en apercevoir parmi les roches qui forment les murs du périmètre du manoir.

Soixante-six échantillons du « minerai noir » provenant de ces endroits furent soumis à des tests scientifiques. À l'exception de deux échantillons provenant de Dartford, ils contenaient tous très peu d'or - des centaines, voire des milliers de fois moins que ce qu'avaient affirmé certains essayeurs élisabéthains. La moitié des échantillons contenaient moins d'or que l'on peut s'attendre à en découvrir dans le moindre caillou de taille moyenne. La hornblende est le principal minéral qui fut découvert dans les échantillons de minerai noir. On y trouva aussi du feldspath, des pyroxènes, du mica et du spinelle en quantités moindres.

Les résultats de ces tests donnent à penser que l'incompétence ou la fraude ont pu jouer dans les essais effectués à l'époque élisabéthaine.