Michael Lok

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La motivation qui a abouti à l'affrètement de la première expédition est en partie attribuable à l'enthousiasme personnel de Michael Lok, qui souhaitait multiplier les intérêts commerciaux de l'Angleterre à l'étranger.

Michael Lok était issu d'une famille de négociants londoniens établie de longue date. Son père s'était distingué au point où il comptait parmi les plus éminents marchands anglais, était le marchand de tissus personnel de Henri VIII et était membre chevalier de la classe régnante de l'Angleterre. Après la petite école, Michael Lok fit son apprentissage du commerce dans les Pays-Bas. À la mort de son père (1550), Michael Lok et ses frères aînés se mirent à la recherche de nouveaux débouchés pour compenser le déclin des marchés dans les Pays-Bas. Au fil de sa carrière, il visita l'Espagne et le Portugal, où il observa la valeur du commerce avec les Amériques, puis Venise, où il commerça avec la Levant Company [Compagnie du Levant]. Une fois rentré en Angleterre (1559), il fit le commerce de la soie et d'autres produits de luxe, allant même jusqu'à rédiger l'ébauche d'une proposition radicale concernant la fabrication de soie en Angleterre, proposition qui fut soumise au Conseil privé, mais rejetée. En 1571, il obtint le prestigieux poste d'agent londonien de la Compagnie de Muscovie, responsable de la supervision du commerce avec la Russie.

Lok saisissait bien les nuances du commerce international, mais son désir d'égaler les réalisations et le statut de son père finit par tourner à l'obsession par rapport à l'ouverture de routes nouvelles pour atteindre les marchés éloignés. Il était devenu un collectionneur acharné de cartes, de chartes et de comptes rendus de voyages (objets d'ailleurs coûteux). Son intérêt pour la géographie lui valut l'amitié et le respect des savants John Dee et Richard Hakluyt; cet intérêt fut aussi à l'origine de son alliance avec Frobisher et l'incita à investir de sa fortune personnelle dans le premier voyage, lorsque les bailleurs de fonds hésitèrent à investir dans ce projet qui tenait certainement de la spéculation (c'est d'ailleurs ces difficultés monétaires qui retardèrent la date de départ prévue à l'origine en 1575). Sa profonde croyance personnelle dans le potentiel de l'Arctique le convainquit, fort peu judicieusement, d'engloutir des sommes supplémentaires dans le projet.

Une fois que l'on eût découvert que le minerai était sans valeur et que les tentatives visant la constitution en société de la Company of Cathay [Compagnie de Cathay] eurent échoué, Lok, à titre de trésorier de la « Compagnie », se trouva personnellement exposé aux poursuites amorcées pour recouvrer les dettes résultant du projet. La position déjà peu enviable de Lok fut affaiblie encore plus par le fait que de nombreux courtiers n'avaient pas versé les investissements promis et qu'il s'efforça, pendant la débâcle, de défendre ses actions et de rejeter la responsabilité de l'échec du projet sur Frobisher et les alchimistes. Son investissement personnel de quelque 2 200  le laissa pratiquement sans le sou. Au fil de ses batailles juridiques avec ses créditeurs dans les années qui suivirent, il fut emprisonné à plusieurs reprises et sa réputation minée l'empêcha de participer de façon notable à quelque entreprise commerciale que ce soit.

Il ne renonça pourtant pas à son rêve de découvrir des nouvelles routes commerciales. Il aida Hakluyt à préparer certains de ses ouvrages consacrés à ses voyages d'exploration. Après une courte période pendant laquelle il fut agent de la Compagnie du Levant, et qui mena également à des litiges, il effectua un rapprochement commercial entre l'Angleterre et Venise. Enfin, en 1602 (à l'âge de 70 ans), il appuya les propos de Juan de Fuca qui affirmait être passé de l'Atlantique au Pacifique en empruntant un passage très septentrional, mais il ne parvint pas à rallier, en Angleterre, le soutien nécessaire pour affréter un voyage pour redécouvrir ce passage. Il continua à contribuer aux études cosmographiques en Angleterre jusqu'à son décès.

James McDermott résume ainsi la vie de Lok :

« [...] ayant en quelque sorte fait sa marque et sa fortune tôt dans sa carrière, il laissa l'une et l'autre s'effriter en poursuivant des objectifs qui finirent par s'avérer inaccessibles [...]. Personnage complexe [...] il fut un homme que l'on peut, en toute rigueur, qualifier de visionnaire, d'intellectuel, d'aventurier, de rêveur et de justificateur intéressé. »
[Meta Incognita: A Discourse of Discovery, p.140-41, traduction]


 


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