L' habitation de Québec :
une page d'archéologie historique

par Françoise Niellon


L'Habitation de 1608 à 1612 :
la fondation de Québec


Pour répondre aux objectifs de Pierre Du Gua de Monts, l' habitation de Québec sera à la fois un entrepôt et un logement. Des ouvrages défensifs protègeront le tout.

Servant de base pour la traite, l'entrepôt, dit « magasin », contiendra les marchandises proposées aux Amérindiens aux divers points de rendez-vous prévus. Il abritera également les vivres et boissons dont les résidents de l'habitation auront besoin, peut-être même les outils et matériaux nécessaires à l'aménagement des lieux. Comme noyau du peuplement, habitation sera la résidence de celui qui y commande et de tous ceux qui y travailleront.


Les travaux de 1608 selon Champlain

Champlain dispose de 17 hommes de métier pour bâtir son établissement. Arrivés sur les lieux début juillet, ils devront rendre la place habitable avant l'hiver. Selon Champlain, l' habitation se présentait ainsi : « [...] nostre logement [...] estoit de trois corps de logis à deux estages. Chacun contenoit trois thoizes [1 toise = 6 pieds, soit environ 2 mètres] de long et deux et demie de large. Le magazin six et trois de large, avec une belle cave de six pieds de haut. Tout autour de nos logements, je fis faire une galerie par dehors au second estage, [...] avec des fossés de 15. pieds de large et six de profond : et au dehors des fossés, je fis plusieurs pointes d'esperons qui enfermoient une partie du logement, là où nous mismes nos pieces de canon : et devant le bastiment y a une place de quatre thoizes de large, et six ou sept de long, qui donne sur le bort de la rivière. Autour du logement y a des jardins qui sont tres-bons, et une place de costé de Septemtrion qui a quelque cent ou six vingt pas de long, 50. ou 60. de large ».

Une palissade, « parachevée » en 1610, complètera l'ensemble (fig. 4). Champlain dit aussi avoir fait semer dans les « jardins » toutes sortes de graines potagères et, dans une « terre défrichée » , du blé et du seigle. Il y fit également transplanter des vignes sauvages.

Telle quelle, l'habitation ne résistera pas longtemps aux rigueurs du climat; trois ans après sa construction, il a fallu la réparer. Pire, en 1613, Champlain note à son arrivée sur les lieux qu'elle « s'en alloit en décadence ».


L'archéologie et la première
« habitation » : des indices ténus

La disposition des éléments de l'habitation ne va pas de soi, d'autant plus que ne sont pas visibles sur le dessin de Champlain les lettres qui dans sa légende désignent le magasin et la cuisine. Aussi la restitution que nous en proposons est-elle tout à fait hypothétique.

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L’habitation de 1608, une configuration possible


Quoiqu'il en soit, l'habitation formait un bien petit ensemble : un carré de 8 à 10 toises de côté contiendrait les bâtiments. En cela elle s'apparente à la deuxième habitation en Acadie, celle de Port-Royal, « dont le plan estoit de 10. toises de long et 8. de large ». Or, à Port-Royal, on a bâti un logement pour 40 à 50 personnes, tandis que 28 personnes passeront l’hiver à Québec en 1608-1609. Champlain s'est sans doute également inspiré de la disposition des bâtiments de Port-Royal, qui étaient répartis en carré autour d'une petite cour.

La localisation sur le terrain de la première habitation de Québec n'est pas moins problématique. Aucun vestige de ses structures n'a été retrouvé dans la partie du site qui a été fouillée. Cependant, la configuration de la pointe, la façon dont Champlain décrit les travaux ultérieurs et la présence sur les lieux de la deuxième habitation d'une quantité d'objets qui s'y trouvaient avant sa construction, tendent à indiquer que la première habitation était au même emplacement que la deuxième. Elle se situait donc sous l'actuelle église Notre-Dame-des-Victoires et ses abords du côté du fleuve.

Quelques témoins des aménagements intérieurs ont été recueillis ici et là (carreaux de sol, briques, clous), le plus souvent mêlés aux remblais des fondations des constructions postérieures. Par exemple, il est bien possible que provienne du corps de logis qu'habitait Champlain (fig. 4, H) un fragment d'enduit retrouvé à proximité de son emplacement supposé dans un sol antérieur à 1624. Tapissait-il les murs de son appartement?


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    Mise à jour : 1 September 2009