Il s'appelait Eddie Crimmins
Et il venait de Port aux Basques,
À part de vivre et de travailler
Il n'avait rien d'autre à demander.
Pourtant, il creva, creva de faim, je vous le dis,
En mil neuf cent vingt-quatre,
Et avant de mourir il souffrit
Comme tant d'autres avant lui.
Lorsque la mine ferma cet hiver-là
Il n'eut plus rien à manger,
Et il creva, creva de faim, je vous le dis,
Dans vos rues infâmes débordant de saletés.

es premières lignes de Echœs From Labor's Wars, un recueil de poèmes publié en 1926 par le poète local Dawn Fraser, évoque les amers conflits de travail qui secouèrent l'île du Cap Breton dans les années 20. À cette époque, la British Empire Steel Corporation contrôlait les industries minières et sidérurgiques de l'île. Mal administrée et souffrant de la perte de certains de ses anciens marchés, la compagnie décida de réduire ses frais en effectuant des coupes salariales de près de 37 p. 100. Elle décida également de se débarrasser des sympathisants syndicaux. Ces deux prises de position ne tardèrent pas à faire éclater le conflit latent entre la compagnie et les mineurs.

La compagnie dut faire face à une résistance farouche de la part d'une communauté minière très solidaire. Comme le fit remarquer un célèbre historien de la région : [TRADUCTION]« Les syndicats bénéficiaient d'un réseau où la loyauté était à l'honneur en raison notamment des antécédents écossais de la plupart des mineurs et de leur sympathie à l'égard du Parti travailliste, des coopératives et du contrôle des travailleurs dans l'entreprise. » (David Frank, Canadian Encyclopaedia, p. 398)

Trois grèves impressionnantes totalisant plus de deux millions de journées de grève ébranlèrent les fondations des communautés minières entre 1922 et 1927. Durant ces « guerres ouvrières » décrites dans les poèmes de Fraser et dans tous les journaux du pays, la police et la milice furent mobilisées contre les mineurs, plusieurs chefs syndicaux furent arrêtés et le mineur Bill Davis fut tué par la police de la compagnie. En 1925, les mineurs et leur famille connurent la famine lorsque la compagnie mit fin au crédit dans ses magasins. Les syndicats lancèrent une campagne nationale d'aide aux gens de la Nouvelle-Écosse afin que de la nourriture et des vêtements soient envoyés à ces communautés minières résolues à gagner la bataille. Ces conflits eurent une incidence à long terme au Cap Breton. Les mineurs obtinrent la reconnaissance syndicale et retrouvèrent, jusqu'à un certain point, leur niveau de vie. Peu après la fin du conflit, les métallurgistes de Sydney obtinrent également la reconnaissance syndicale, et le gouvernement provincial adopta une loi protégeant le droit à la négociation collective. Une commission gouvernementale faisant enquête sur les troubles au Cap Breton critiqua les mauvaises politiques syndicales de la compagnie. Réagissant à la réaction horrifiée du public face au déploiement militaire durant les grèves, le gouvernement fédéral imposa de nouvelles restrictions au recours à l'armée dans les conflits civils.



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