Les essais au XVIe siècle

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Les essais consistent en l'analyse d'un minerai pour en déterminer la composition. Au XVIe siècle, on connaissait déjà bien les techniques mises au point pour analyser les minerais et celles-ci donnaient des résultats assez exacts, particulièrement dans le cas du dépistage de métaux précieux. À cette époque, les métaux précieux étaient très recherchés, non seulement parce qu'ils servaient de monnaie, mais aussi comme investissement. Les mêmes méthodes d'analyse étaient utilisées partout en Europe et expliquées dans divers traités illustrés publiés pendant la première moitié du siècle, particulièrement par des métallurgistes allemands. Le point culminant fut la parution de De re metallica (1556) de Georg Bauer, alias Agricola.

Outre les gens qui se spécialisaient dans l'exécution de telles analyses, bien d'autres personnes engagées dans le traitement des métaux précieux pouvaient être appelés, à l'occasion, à effectuer une analyse. Il pouvait s'agir de raffineurs, d'orfèvres, de tréfileurs, de batteurs et de monnayeurs. Ce sont surtout les raffineurs qui intervenaient dans le commerce de l'or et de l'argent au XVIe siècle. Ils achetaient des plaques de métal brut dans les régions riches en minerais, séparaient l'or et l'argent des autres substances présentes dans les plaques, et refondaient les métaux précieux en lingots qu'ils revendaient. Le raffinage était semblable à l'analyse, mais il se faisait dans des proportions beaucoup plus grandes. Ce sont les orfèvres, les tréfileurs, les batteurs et les monnayeurs qui achetaient les lingots dont ils se servaient pour fabriquer divers objets de luxe.

Transport des plaques
Le transport des plaques de plomb, qui contenaient des métaux précieux
 
Du livre de Georg Bauer De re metallica, 1556
Décoration




Moule aux lingots

 
Du livre de Georg Bauer De re metallica, 1556
 
Moule aux lingots

Décoration

On faisait appel à la compétence de l'essayeur à diverses étapes de la production, pour contrôler la qualité du minerai et des produits finis. Ainsi, il participait à la recherche des dépôts de minerai les plus prometteurs dans les mines, il analysait les plaques métalliques avant le raffinage et il contrôlait les lingots fabriqués par les raffineurs. La marque de l'essayeur et de la Couronne, ainsi que la teneur en métal précieux, étaient notées sur chaque lingot. En outre, quiconque achetait des lingots pouvait faire appel à un essayeur pour qu'il en contrôle la qualité.

On employait deux méthodes d'analyse, l'une à sec et l'autre non, la première étant la plus commune. Le choix de l'une ou l'autre des méthodes dépendait de la nature du minerai à contrôler. On disposait de diverses « recettes » d'analyse, qui faisaient intervenir différentes substances chimiques.

Un essayeur Un essayeur observe le creuset placé dans un four
 
De Beschreibung aller Fürnemeisten mineralischen Ertzt und Bergwerks Arten par Lazarus Erker, 1574
 

L'analyse à sec servait à séparer le métal précieux des scories. L'essayeur réduisait l'échantillon de minerai en poudre dans un mortier, pesait la poudre dans une balance, puis la versait dans un contenant spécial pour éviter d'en perdre le moindre grain. Un creuset était placé dans un four, sous une moufle couverte de charbons ardents. La moufle protégeait l'échantillon des cendres et autres impuretés. Lorsque le creuset était chauffé à rouge, on y ajoutait un peu de plomb, puis le minerai. Lorsque l'échantillon de minerai avait fondu, on y ajoutait d'autre plomb que l'on incorporait avec un charbon ardent pour faire fondre l'argent ou l'or présent, le cas échéant. Au bout d'environ une heure, on retirait le creuset du four et on l'agitait pour que le plomb et le métal se déposent au fond. Les scories restaient en surface et adhéraient aux parois. Une fois refroidi, le creuset était brisé pour en retirer l'alliage de plomb, d'or et d'argent.

Des moufles
Des moufles protégeaient les échantillons des cendres et facilitaient leur chauffage.
 
Du livre de Georg Bauer De re metallica, 1556

Décoration
Deux creusets (à droite et au centre) et une coupelle (à gauche)
 
Du livre de Georg Bauer De re metallica, 1556
 
Des creusets et une coupelle

L'alliage était pesé et placé dans une coupelle chauffée à l'avance. La coupelle était un récipient fait de cendres d'ossements compressées qui servait à filtrer les métaux liquides. Dans un four bien ventilé, le plomb fondait, s'oxydait et s'écoulait par les pores de la coupelle, laissant dans celle-ci une perle de métal précieux. On pesait ensuite la perle pour calculer la teneur en métal précieux de l'échantillon de minerai.

Comme la perle contenait à la fois de l'or et de l'argent, l'essayeur devait ensuite déterminer la proportion de chaque métal. Il se servait alors d'acide pour éliminer l'argent, ne laissant que l'or. Pour ce faire, il commençait par aplatir la perle avec un marteau, afin d'augmenter la surface de contact de l'acide, puis il la posait dans une solution d'acide nitrique. Le processus était accéléré en chauffant la solution d'acide. Le métal restant, c'est-à-dire l'or, était ensuite pesé pour calculer la teneur exacte en or et en argent.

Une autre méthode employait du sulfure d'antimoine, qui réagit avec l'argent pour produire un alliage qui permet également d'extraire l'or du minerai. L'alliage pouvait ensuite être traité dans une coupelle ou simplement oxydé à l'air expulsé par des soufflets. Cette méthode pouvait être utilisée directement sur le minerai et a été employée par Burchard Kranich pour tester le minerai rapporté de Meta Incognita.

D'autres méthodes permettaient également d'identifier les métaux présents dans un échantillon de minerai. On pouvait notamment examiner la couleur. Le jaune, par exemple, indiquait la présence de soufre. L'essayeur pouvait également chauffer un échantillon ou y ajouter certaines substances afin de provoquer une réaction chimique. L'odeur dégagée ou le changement d'état donnaient des indications des métaux présents.

Toutefois, les essayeurs du XVIe siècle n'étaient pas infaillibles. Les substances dont ils se servaient pour analyser les minerais n'étaient pas toujours pures. S'ils pouvaient se prononcer sur la présence, dans un échantillon de minerai, de métaux communs, comme l'or, l'argent, le fer, le cuivre et le plomb, ils ne pouvaient en nommer tous les composants. Au XVIe siècle, les alchimistes connaissaient moins d'une vingtaine des 106 éléments naturels de base que l'on connaît aujourd'hui. Pas une des méthodes employées par les essayeurs n'était infaillible, sans compter qu'il arrivait parfois que les essayeurs faussent les résultats. La seule façon de contourner ces difficultés était de répéter à plusieurs reprises les tests et de les confier à plusieurs essayeurs. L'échantillon rapporté par Frobisher lors de son premier voyage était insuffisant pour permettre de nombreuses vérifications.



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