Photo Chronique La période 1920-1997 à la loupe
En 1920, les femmes ont le droit de vote mais pas toujours les moyens de l’exercer. La réforme du système électoral entreprise cette année-là permettra éventuellement d’éliminer les obstacles.

Le droit de vote à l'époque moderne, 1920-1997
L'Acte des élections fédérales
La Seconde Guerre mondiale et ses suites
Les Autochtones et le droit de vote
La Charte : un tournant
Conclusion
Sommaire : Le vote au cours des décennies

Table des matières
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Le droit de vote à l'époque moderne, 1920-1997

Nous avons vu dans les chapitres précédents que le droit de vote a été élargi graduellement jusqu’à la Première Guerre mondiale et que l’électorat a pratiquement doublé lorsque les femmes se sont vu accorder le suffrage. En 1920, presque tous les adultes ont le droit de vote, quoique plusieurs ne peuvent toujours pas l’exercer pour des raisons d’ordre administratif, et certains groupes demeurent exclus à cause de leur race ou de leur religion, ou pour des motifs économiques.

Au début de la période que nous examinons dans le présent chapitre, il existe peu de mesures spéciales destinées à faciliter ou à encourager l’exercice du droit de vote. La façon traditionnelle de voter – où l’électeur se présente en personne au bureau de scrutin le jour de l’élection – est la seule reconnue. On suppose que les citoyens et citoyennes

  • sont dans leur circonscription le jour du scrutin,
  • ont le temps d’aller voter à un bureau de scrutin,
  • ont un emploi qui ne pose aucun obstacle à cet égard,
  • n’ont aucune limitation – telle qu’une déficience ou un problème de langue – susceptible d’entraver l’exercice de leur droit de vote.
À la fin de la période, cette vision, reconnue comme inadéquate, n’a plus cours dans la législation et l’administration électorales.


La modernisation de l’appareil électoral     haut

On verra dans les pages qui suivent comment la législation et les procédures administratives régissant les élections ont été façonnées et refaçonnées pour tenir compte de la grande diversité qui caractérise l’électorat canadien – les innovations législatives et administratives qui ont rendu le vote plus accessible et plus commode, et ont modernisé l’appareil électoral; l’élimination des restrictions d’ordre racial et religieux; et les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés.

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En 1920, le législateur reconnaît la nécessité de professionnaliser l’administration électorale.
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Des progrès en dents de scie     haut

Comme on l’a vu au chapitre 2, sir Wilfrid Laurier craignait que la Loi des élections en temps de guerre n’ouvre un gouffre qui ne se refermerait peut-être pas avant plusieurs générations. Il faisait allusion à un affrontement entre Canadiens d’origines française et britannique. Mais au cours des quelques années qui suivent la Première Guerre mondiale, l’hystérie de 1917 semble vouloir s’étendre à d’autres groupes. Par exemple, les sentiments anti-germaniques ne disparaissent pas du jour au lendemain à la fin de la guerre. Les troubles sociaux comme la grève générale de Winnipeg en 1919, sont fréquemment teintés de sentiments xénophobes. Dans les années 20, une vague d’hostilité envers les minorités raciales et religieuses déferle sur l’Amérique du Nord, et s’intensifie jusqu’en 1945, donnant lieu notamment à des lois électorales limitatives.

Mais l’évolution du droit de vote a aussi des côtés positifs. Après l’adoption de sa Loi des élections en temps de guerre (qui va régir une seule élection, celle de 1917), le gouvernement conservateur de Borden adopte en 1920 l’Acte des élections fédérales1 , qui crée le poste de directeur général des élections (DGE) et protège le titulaire des pressions politiques immédiates en stipulant qu’il sera nommé par une résolution de la Chambre des communes, et non par le gouvernement du jour. Ainsi naît la tradition d’indépendance d’Élections Canada, en tant qu’organisme non partisan chargé d’administrer les élections et les référendums fédéraux.

En vertu de la nouvelle loi, le DGE a rang de sous-ministre et, comme un juge de la Cour supérieure, il est nommé à vie. Pendant le débat sur la loi, certains s’opposent à cette nomination à vie. Selon J.A. Currie, député de Simcoe-Nord, une telle mesure ne peut que conduire à une sorte de dictature à la prussienne. D’autres députés mettent en doute le bien-fondé du poste. Mais beaucoup estiment, à l’instar de Norman Ward, qu’il s’agit d’une réforme des plus salutaires (Ward 1963, 181).

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Les réformes électorales ont souvent été l’objet de vifs débats. Sir Wilfrid Laurier lui-même s’est opposé à certains changements envisagés à la législation électorale.
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Le premier directeur général des élections     haut

Le premier directeur général des élections, le colonel Oliver Mowat Biggar, administre ce qui aurait pu se révéler l’élection la plus chaotique depuis de nombreuses années. En effet, 75 000 fonctionnaires électoraux nouvellement désignés sont chargés de superviser un système transformé de fond en comble, et le nombre des nouveaux électeurs dépasse le nombre total des personnes habiles à voter avant 1917. En dépit de toutes les innovations, le colonel Biggar signale dans son rapport annuel que les problèmes ont été relativement mineurs, compte tenu du grand nombre de personnes qui ont participé au processus.

Une tâche importante du directeur général des élections consiste à publier un rapport après chaque élection, conformément aux exigences de la Loi électorale du Canada. Ce rapport donne au DGE l’occasion d’évaluer régulièrement le fonctionnement de la législation électorale et de proposer des modifications au Parlement. Un grand nombre des mesures proposées par les DGE porteront sur l’accessibilité du système électoral – les moyens d’assurer concrètement l’exercice du droit de vote. Cela aussi aura des effets positifs sur le système électoral, puisque le Parlement adoptera et élargira un grand nombre des recommandations des DGE.


Des recommandations judicieuses     haut

Par exemple, dans son rapport sur l’élection de 1921, le colonel Biggar mentionne les difficultés éprouvées par les électeurs – et particulièrement les femmes – dont le nom n’avait pas été inscrit sur les listes électorales. Il suggère la nomination d’un plus grand nombre d’agents réviseurs et l’ouverture d’un plus grand nombre de bureaux de vote par anticipation. Le Parlement réduit donc de 50 à 15 le nombre d’électeurs nécessaires pour ouvrir un bureau de vote par anticipation.

Après l’élection de 1925, le colonel Biggar signale que le scrutin ayant eu lieu un jeudi, le vote par anticipation a été peu utile aux voyageurs de commerce : ils étaient déjà en déplacement lorsque les bureaux de vote par anticipation ont été ouverts, soit pendant les trois jours précédant le jour du scrutin. En 1929, la loi est modifiée de façon à ce que le jour du scrutin tombe un lundi.

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La tenue d’une élection générale est une opération de grande envergure. Aujourd’hui par exemple, plus de 100 000 colis doivent être préparés et expédiés aux directeurs du scrutin. Après chaque élection, le directeur général des élections formule les recommandations utiles pour améliorer l’administration électorale.
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Les cinq directeurs généraux des élections du Canada     haut

Cinq personnes ont occupé le poste de DGE depuis 1920 : Oliver Mowat Biggar (1920-1927), Jules Castonguay (1927-1949), Nelson Jules Castonguay (1949-1966), Jean-Marc Hamel (1966-1990) et Jean-Pierre Kingsley (depuis 1990).

Cinque Photos

1 Oliver Mowat Biggar est le premier directeur général des élections (DGE), de 1920 à 1927. Il met en place les rouages régissant l’administration électorale fédérale à la suite de la grande réforme de 1920.

2 Jules Castonguay (DGE de 1927 à 1949) fait une première tentative pour établir une liste électorale permanente. C’est sous son mandat qu’est supprimé le dernier vestige du cens électoral.

3 Nelson Jules Castonguay (DGE de 1949 à 1966) voit l’élimination de la discrimination religieuse dans la législation, l’octroi du droit de vote sans restrictions aux Indiens inscrits et l’introduction de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

4 Jean-Marc Hamel (DGE de 1966 à 1990) met en œuvre de nombreux changements à la loi et à l’administration électorales, notamment l’enregistrement des partis politiques, la limitation des dépenses électorales et diverses modifications liées à la Charte canadienne des droits et libertés.

5 Jean-Pierre Kingsley (DGE depuis 1990) poursuit la réforme requise par la Charte, modernise les systèmes de gestion, reçoit un mandat d'éducation de l'électorat, met sur pied le Registre national des électeurs et met en œuvre diverses mesures pour rendre le vote plus accessible et le système électoral plus transparent.

1 Qui deviendra la Loi électorale du Canada en 1951.

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