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La beauté d'un instrument de musique - si on exclut sa fonction sonore - ne tient pas seulement à quelques aspects de sa décoration mais à l'équilibre des proportions qui constituent sa forme.

Grant Tomlinson Grant Tomlinson appliquant le vernis sur le dos d'un luth Renaissance à Vancouver, en 1991

Le principe « Ce qui est bon pour l'oeil est bon pour l'oreille » a guidé les artistes luthiers et facteurs d'instruments durant des siècles dans leur recherche de la perfection.

Les quelque trois cents ans qui s'étendent du début de la Renaissance à la fin du Baroque voient défiler une grande variété de styles musicaux. Ces changements sont intimement liés à l'histoire et aux conventions sociales qui donnent le ton aux objets d'art dont on s'entoure à diverses époques. La Renaissance italienne, par exemple, qui hérite des Grecs une approche humaniste du monde, encouragera la production d'instruments de musique construits à la fois pour satisfaire et réjouir l'oeil, comme le font les arts de la peinture et de l'architecture, ainsi que pour le plaisir de l'oreille.

  L'homme dans le cercle et le carré
L'homme dans le cercle et le carré
Coates, Kevin. Geometry, Proportion and the Art of Lutherie, s.l., Oxford University Press, 1985.

De cette philosophie vient également la notion selon laquelle le corps humain est à l'origine de la règle des proportions la plus importante qui soit. Cette notion est transmise par Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio), architecte romain à l'emploi de l'empereur Auguste, dans De Architectura, dans lequel il explique, entre autres, que le corps humain et ses membres en extension marque les limites d'un cercle parfait et d'un carré. Cette règle des proportions que l'on a appelé « le nombre d'or » sera illustrée par de nombreux artistes de la Renaissance dont le plus célèbre est sans aucun doute Léonard de Vinci et sa figure vitruvienne L'homme dans le cercle et le carré.

Des études portant sur les proportions des instruments de musique de la Renaissance et baroques nous permettent de croire que cette notion mathématique, le nombre d'or, n'était pas inconnue des luthiers de ces époques. Son application dans la facture des instruments a donné naissance à des formes que l'on considère parfaites par leur beauté et sous lesquelles on peut découvrir, à l'étude, la géométrie invisible de l'instrument. Celle-ci procura une méthode permettant au luthier d'arriver à l'harmonie de la forme par une économie de moyens.

Cette forme d'esthétisme sobre et, dans une certaine mesure, abstraite, va coexister durant l'époque baroque avec un style de décoration exubérant dont l'ampleur va faire perdre leur vraie fonction aux instruments de musique qui deviendront plutôt une marque du rang occupé dans l'échelle sociale.

Mais la pratique de décorer les instruments de musique en est une très ancienne. On trouve des exemples d'instruments décorés remontant à l'Âge de la pierre et l'Âge du bronze, dans l'ancienne Égypte et dans la Grèce antique. Au Moyen Âge, le psaltérion sera à l'origine de la tradition de la décoration des rosaces que l'on retrouvera sur les instruments à cordes plus tard. L'orgue, instrument de prédilection de la musique religieuse, sera décoré de sculptures créées en harmonie avec l'architecture des lieux qu'il occupe. Dans la musique profane, on commence à « embellir » certains instruments, comme la vielle à roue, en en sculptant la tête. On verra se poursuivre cette pratique dans les siècles qui suivront, le style de décoration atteignant son point culminant à l'époque baroque et devenant plus sobre par la suite, se limitant à quelques éléments comme les rosaces des tables d'harmonie, les têtes sculptées, la marqueterie.

L'arrivée de l'ère industrielle et de la production de masse fit disparaître graduellement la décoration des instruments. Au tournant du siècle, il n'existait pratiquement plus d'instruments décorés à la main. Cette pratique ne fut reprise qu'un peu plus tard, lorsqu'on commença à s'intéresser de nouveau à la musique ancienne et aux instruments reproduits de façon « historiquement correcte ». Aujourd'hui, les instruments en usage à l'orchestre sont très sobres. Aussi apprécie-t-on avant tout la sonorité de l'instrument tout en admirant celui-ci pour l'harmonie de ses formes et en tirant grande satisfaction de sa couleur, de la finesse des détails de sa facture et, lorsqu'on le tient entre ses mains, de son équilibre et de l'attrait qu'il exerce sur soi.

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