La facture

 
La facture
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Les instruments
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de la Renaissance
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  La facture
  L'historique
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  Conclusion
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Lorsque le Canada n'était encore qu'une colonie, ce sont tout naturellement les artisans du bois, comme les ébénistes et les menuisiers, qui avaient la tâche de réparer les instruments ou de construire les violons des amateurs.

De nos jours, la facture instrumentale est une véritable profession dont on apprend les rudiments dans des écoles spécialisées ou avec un maître. Certains artisans sont d'abord des musiciens qui s'initient d'eux-mêmes aux secrets du métier. Il en est ainsi de tous ces facteurs rencontrés au cours de la préparation de cette œuvre qui de luthistes sont devenus luthiers, de clavecinistes sont devenus facteurs de clavecins, de flûtistes sont devenus facteurs de flûtes.

Tous, à un moment ou à un autre de leur formation ou dans l'exercice de leur profession, feront appel à diverses sources de documentation pour acquérir les connaissances nécessaires à la fabrication d'un type particulier d'instrument. Ainsi, un luthier qui se spécialise dans la reproduction d'instruments du Moyen Âge ne peut que recourir à l'iconographie pour connaître les détails de la construction, de la pratique ou de l'histoire de l'instrument, car très peu d'instruments fabriqués avant le XVIe siècle ont survécu. Le facteur doit aussi garder à l'esprit que la reproduction qu'il examine, que ce soit une peinture, une sculpture, une enluminure ou une gravure, ne reproduit pas l'instrument dans tous ses détails. Ainsi, elle ne dévoilera pas, par exemple, les types de matériaux utilisés, l'épaisseur des parties de l'instrument, ni la tension exercée sur les cordes.

  Manuscrit
Manuscrit datant du milieu du XVe siècle qui a été écrit par Henri Arnault de Zwolle

La Renaissance est plus riche en informations. Quelques instruments préservés et des écrits nous donnent certains détails de fabrication. Il en est ainsi d'un manuscrit datant du milieu du XVe siècle qui a été écrit par Henri Arnault de Zwolle, physicien et astrologue à l'emploi du duc de Bourgogne. Arnault y décrit quelques instruments de musique de cette époque et il en trace les plans. Au XVIe siècle, quelques livres paraissent dont le très important traité Syntagma Musicum, en trois volumes, de Michael Praetorius, compositeur allemand dont le second volume - De Organographia - donne de nombreux détails sur les instruments de l'époque. Du XVIIe siècle, on peut consulter l'Harmonie universelle de Marin Mersenne, véritable encyclopédie de la musique dont une partie importante traite des instruments.

  Radiographie de la caisse d'un luth
Radiographie de la caisse d'un luth

Les époques ultérieures ont laissé de nombreux témoins de la vie musicale et les collections des musées sont riches en instruments de toutes sortes. Ces derniers ne sont toutefois pas toujours représentatifs des instruments ordinairement joués à ces époques, car les collectionneurs ont conservé ceux qui étaient les plus richement ornés. Enfin, certains instruments ont subi des transformations parce qu'ils ont été réparés ou mis au goût du jour.

Plusieurs musées ont entrepris, avec l'aide de luthiers et de facteurs, de faire des plans et dessins techniques de certains instruments de leur collection. Ces plans reproduisent fidèlement les différentes composantes des instruments et les rendent plus accessibles aux chercheurs. Certains luthiers préfèrent tracer eux-mêmes leurs plans à partir de l'instrument original et iront jusqu'à radiographier un instrument afin d'en découvrir tous les secrets. Il ne faut pas oublier cependant que, quelle que soit la minutie avec laquelle un luthier tente de reproduire un instrument d'époque, il ne pourra pas obtenir les matériaux utilisés alors. Il devra composer avec des matériaux semblables, en essayant de trouver une qualité équivalente. L'importation de certains matériaux comme l'ivoire ou l'écaille de tortue est interdite et rend ainsi difficile, sinon impossible la reproduction exacte de certains instruments. Quelques artisans feront appel aux matériaux de récupération, comme l'ivoire des touches de pianos par exemple ou remplaceront les matériaux précieux par un produit de synthèse ayant la même apparence et présentant des qualités semblables.

Parmi les luthiers et facteurs canadiens, nombreux sont ceux qui utilisent des bois indigènes. L'érable, l'épinette de Sitka, le cerisier tardif, par exemple, se prêtent bien à la facture de plusieurs types d'instruments, et la Colombie-Britannique, l'est de l'Ontario et le sud du Québec sont des régions propices au bois de lutherie. Certains facteurs trouvent des ressources intéressantes dans les édifices en démolition; le bois de charpente offre plusieurs qualités et est assurément bien sec.

Certains instruments ou parties d'instruments ne sont construits qu'avec des bois importés. Parmi les bois les plus recherchés notons le palissandre et le pernambouc brésiliens, l'épinette et le buis européens. Utilisés à divers degrés dans la facture des instruments, ces bois offrent de nombreuses qualités dont la souplesse, la résistance à la déformation et à l'éclatement au tournage, ainsi que des propriétés acoustiques supérieures. Malheureusement, les incendies massifs de la forêt amazonienne menacent la source d'approvisionnement en palissandre, et les bois européens recherchés pour les qualités que leur donne leur âge, comme l'épinette aux grains serrés, se font de plus en plus rares.

Les facteurs d'instruments doivent satisfaire une clientèle et un public dont le goût musical est changeant. Cette nécessité de s'ajuster à la demande a présidé à l'évolution de la musique et de la facture instrumentale depuis des siècles. Plusieurs luthiers conviennent que les instruments de musique sont en évolution constante, qu'il y a place à l'imagination et l'amélioration et, ce, même lorsqu'un luthier travaille à un violon de modèle Stradivari, considéré comme le modèle parfait en lutherie. Certains facteurs ont nettement amélioré la facture d'instruments en leur donnant une plus grande stabilité au niveau de la mécanique et en réduisant les risques de déformation et de bris, tout en respectant l'esthétique et la sonorité qui sont propres à l'instrument.

Ces raisons nous portent à considérer ces instruments comme des originaux même s'ils empruntent le style d'une autre époque. Au même titre que Stradivari ne faisait pas de copies des violons d'Amati, son maître, nos luthiers et facteurs canadiens donnent à leurs instruments une signature tout à fait originale. Et cette originalité, comme nous le verrons tout au long de cette étude, tient d'abord et avant tout à l'esprit inventif, à la sensibilité et au professionnalisme de nos luthiers et facteurs canadiens.

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