Quêtes et songes hyperboréens

L'univers du chaman

MCC S90 3694; CD95-276
Figure féminine
Bois flotté
Dorsétien récent
Île Bylot

Les cultures traditionnelles de l'Arctique percevaient le monde comme un endroit rempli d'esprits et de forces mystérieuses. N'importe qui pouvait essayer d'utiliser ces forces, habituellement avec l'aide d'un esprit auxiliaire. Cependant, certains individus développaient leur capacité d'attirer et de retenir l'aide puissante d'un esprit, et avaient le pouvoir d'exploiter ou de contrôler ces forces au nom de leur communauté. On connaît ces praticiens religieux habiles et puissants sous leur nom sibérien de «chaman». Certains étaient choisis dès leur enfance et formés par un chaman chevronné. D'autres étaient choisis par les esprits, habituellement suite à leur rétablissement d'une maladie dangereuse et débilitante, ou peut-être en raison d'une anomalie physique ou mentale. Enfin, d'autres se choisissaient eux-mêmes, confiants dans la force de leur personnalité et dans le développement de leurs aptitudes spirituelles.

Les chamans pouvaient voyager à d'autres niveaux mystérieux pour entrer en contact avec, et pour influencer, le monde des esprits. Ils pouvaient voir des événements qui se déroulaient bien au-delà de l'horizon physique, des événements qui avaient lieu chez les animaux et les esprits du monde céleste et des enfers, ou des événements qui n'avaient pas encore eu lieu. Avec l'aide des esprits auxiliaires, ils pouvaient calmer les tempêtes, guérir une maladie inexplicable, ou attirer un troupeau d'animaux vers les chasseurs de la communauté. Le chaman était le docteur, le prêtre et le voyant des petites communautés de chasseurs dorsétiens dispersés dans l'Arctique.

Plusieurs des sculptures réalisées par les artistes dorsétiens semblent avoir servi lors des pratiques religieuses, et peuvent avoir été les instruments des chamans. Les objets exposés dans cette pièce ont peut-être été utilisés par des chamans lorsqu'ils visitaient ou manipulaient le monde des esprits. Ces objets comprennent deux cadres en bois de petits tambours. Chez tous les peuples de croyance chamaniste, le tambour était le «coursier du chaman» ou «la porte du monde des esprits». Entouré de gens de la petite communauté, rassemblés pour l'occasion, le chaman utilisait le battement hypnotique du tambour pour entrer dans une espèce de transe au cours de laquelle il entreprenait des voyages dans le monde des esprits. On a reconstitué un de ces tout petits tambours, et le son de celui-ci est utilisé dans Quêtes et songes, la simulation d'un voyage chamanique.

MCC S90 3658; CD95-276-034 MCC S89 1827; CD95 276-071 Deux masques grandeur nature se trouvaient en association avec les cadres de tambours. Sculptés dans du bois flotté, peints d'ocre rouge et animés de lignes imitant des tatouages, ils avaient originellement des sourcils en fourrure et une moustache fixée à l'aide de chevilles. Les masques de ce genre se présentent sous deux formes qui se distinguent principalement par l'inclinaison des yeux : sur certains masques, les yeux minces ovales s'inclinent vers le haut, en s'éloignant du nez, alors que sur d'autres ils tombent vers le bas pour donner au visage une apparence particulièrement triste. On a remarqué la même paire de visages parmi d'autres objets dorsétiens, permettant de croire qu'ils représentent deux importants personnages mythiques, ou encore qu'un visage est celui d'une femme et l'autre celui d'un homme.

Les masques étaient portés vraisemblablement lors de cérémonies ou d'activités spirituelles, probablement par des chamans engagés à communiquer avec leurs esprits auxiliaires. Le masque peut avoir transformé le chaman en un esprit, ou du moins avoir représenté ce genre de transformation. Des dents animales sculptées sur ivoire avec de longues canines en saillie comme celles d'un ours ou d'un loup témoignaient probablement d'autres transformations. Ces dents ont été conçues pour se placer au bord de la bouche, où le chaman pouvait les tenir entre ses dents pour donner une impression assez vive d'un visage transformé en animal.

Les représentations sculptées d'esprits auxiliaires, ayant habituellement le squelette visible sur la surface, faisaient probablement partie de l'équipement du chaman. Des figures humaines ressemblant à des marionnettes sculptées sur bois flotté, avec des bras et des jambes détachables, ont pu servir lors d'une espèce de rite de fertilité. De petits tubes ornés d'un motif squelettique complexe, ayant des têtes de caribou et de loup sculptées sur une extrémité, peuvent avoir été utilisés par le médecin chaman pour aspirer la maladie du corps du patient. Les têtes de harpons miniatures peuvent avoir été des armes magiques que le chaman utilisait pour démontrer qu'il avait réussi à supprimer la cause de la maladie. Des boîtes cylindriques sculptées en os ou en andouiller peuvent avoir servi d'étuis à ustensiles, qui renfermaient de petites représentations puissantes d'esprits.

MCC S90 3004; CD95-269 Des baguettes en andouiller, recouvertes de figures humaines ou humanoïdes, ont été découvertes dans plusieurs sites dorsétiens. Quelques visages semblent représenter des humains plutôt ordinaires, alors que d'autres sont vraiment bizarres : de longs visages ayant un nez étroit et élégant; des visages larges et aplatis avec une bouche grimaçante; des visages ayant les lèvres arrondies et plissées comme pour envoyer leur souffle en direction de l'observateur; des visages ayant un museau d'animal; et d'autres avec une bouche grande ouverte et la langue tirée. On peut seulement deviner l'interprétation de ces nombreux petits visages. Ils peuvent être des représentations caricaturales de gens qui vivaient dans une communauté locale ou des images du panthéon dorsétien d'êtres spirituels, ou peut-être des esprits auxiliaires contrôlés par les chamans à qui appartenaient ces objets. Une des baguettes les plus spectaculaires est très usée à la partie qui s'ajustait à la main; elle a dû être transportée dans la main pendant une longue période de temps.

MCC S90 2989; CD95-269-066
Face 1
L'artefact mis en évidence dans cette pièce est un petit tube en forme de cloche sculpté sur ivoire, un des nombreux objets dont on ignore la signification. En général, ces tubes sont conçus dans un style très précis : une paire de morses s'affronte depuis chaque extrémité, les défenses se rejoignant au-dessus, alors que des visages humains sont sculptés sur chaque côté plat. MCC S90 2990; CD95-269
Face 2
La combinaison de la paire de morses avec deux visages humains a dû avoir une signification particulière dans les croyances et le symbolisme dorsétiens, mais cette signification nous échappe, aussi bien que la fonction de ces artefacts. Ceux-ci ont pu servir de contenants pour de petits objets d'un équipement magique, ou peut-être de hochets, souvent associés à des pratiques chamanistes. Quoi qu'il en soit, les Dorsétiens en ont fabriqué pendant presque 2000 ans.
Retour Menu principal Suite