Quêtes et songes hyperboréens

Animaux magiques, armes magiques

Grâce aux nombreuses sculptures dorsétiennes, nous avons un aperçu de la religion et de la cosmologie d'un ancien peuple qui vivait de la chasse. Les liens entre les humains et les animaux semblent avoir été au cœur des préoccupations des Dorsétiens. La vie humaine dépendait de l'appropriation de la vie animale, acte qui était accompli avec une combinaison de chance, d'habileté et de volonté de confronter des dangers physiques et spirituels.

MCC S90 3243; S90 3244 Baleine
Ivoire
Dorsétien moyen
Région d'Igloolik

Les sculptures découvertes dans les sites dorsétiens laissent croire que leurs propriétaires, à l'exemple des autres peuples nordiques qui vivaient de la chasse, pratiquaient une religion de croyance chamaniste qui voulait que toutes les créatures vivantes aient des qualités humaines et animales, spirituelles et physiques, de la même façon que la pensée chrétienne traditionnelle conçoit un être humain avec un corps corporel et une âme spirituelle. Cependant, contrairement à la croyance chrétienne, la croyance chamaniste n'exclut pas les animaux du monde des esprits. Les animaux ont une âme, peuvent devenir des fantômes et peuvent se manifester comme des êtres spirituels. La pensée chamaniste postule un passé distant alors qu'il n'y avait aucune différence entre les humains et les animaux, qui pouvaient se parler et même se transformer d'animal en une forme humaine à volonté. Ces transformations et ces communications peuvent, croit-on, survenir aussi dans des circonstances spéciales, par exemple dans un rêve, ou quand une âme humaine voyage vers l'un ou l'autre niveau d'existence au-dessus ou au-dessous de la terre, là où les animaux vivent comme le font les êtres humains à la surface de la terre.

Si la pensée dorsétienne s'apparentait à celle des autres peuples de croyance chamaniste, les Dorsétiens devaient croire que les pouvoirs d'un humain pouvaient s'accroître en incorporant la force et l'énergie des «esprits auxiliaires». On pouvait rencontrer ces esprits dans les rêves, dans une transe délibérément provoquée ou, occasionnellement, lors qu'on voyageait ou chassait seul dans la toundra. La plupart des esprits auxiliaires prenaient la forme d'un animal et chacun d'eux avait des pouvoirs précis correspondant aux caractéristiques de sa forme animale : force, célérité, vue perçante ou habileté subtile. Grâce à un auxiliaire spirituel, les gens pouvaient surmonter des situations périlleuses et accroître leur habileté et leur chance à la chasse et lors d'autres activités.

MCC S90 3919; S90 3920; CD95-278 Un grand pourcentage des sculptures dorsétiennes représente l'ours blanc et le faucon, les maîtres chasseurs du monde arctique. La plupart des sculptures ont une perforation pour y passer une corde et peuvent avoir été portées comme des amulettes personnelles. Il semble vraisemblable que ces sculptures ne décrivaient pas les animaux réels, mais plutôt des animaux-esprits qui aidaient les chasseurs dans leur poursuite du gibier. Cette interprétation s'inspire des marques qui apparaissent sur le dos et les côtés de plusieurs sculptures et qui représentent le squelette visible à travers le corps. Dans la pensée chamaniste, le squelette symbolise l'âme, car ces deux éléments durent plus longtemps que la chair molle du corps. Quelques-unes des sculptures d'animaux ont un revers évidé, paraissant elles aussi correspondre à une forme décharnée, indiquant que les créatures ont été dévêtues de leur corps terrestre. Les ours-esprits sont la plupart du temps représentés en plongée ou en vol, des positions différentes de celles qu'adoptent les ours réels pour marcher ou nager.

MCC S90 3953; CD95-279
Vue du haut
Vue du bas

La sculpture placée en évidence dans cette pièce — un faucon avec une tête d'ours — est unique. Cette créature, alliant le pouvoir d'un ours à la célérité et à la force d'attaque du faucon, a dû constituer une amulette particulièrement puissante.


MCC S90 3680; CD95-276 Certaines sculptures qui ont un trou dans la gorge ou la poitrine, auquel parfois correspond un petit pieu en bois, témoignent d'une autre forme d'activité magique. Il est possible que ces figures animales aient été rituellement «tuées», peut-être par anticipation à la chasse d'un animal réel qui correspondait à l'animal représenté par la sculpture.

Les Dorsétiens ont également tenté d'imprégner des qualités magiques à leurs armes de chasse. On le voit très clairement dans les têtes de harpons. Les harpons étaient conçus pour toucher des mammifères marins et les retenir avec une ligne attachée à la tête de harpon. La forme générale de certaines têtes de harpons rappelle les sculptures de faucons et d'ours en plongée ou en vol. Les lignes et les visages humanoïdes apparaissant sur certaines d'entre elles peuvent représenter les visages des esprits auxiliaires. Des têtes de harpons et d'autres armes miniatures se trouvent souvent dans des sites dorsétiens. Elles sont la réplique fidèle des têtes de harpons dont se servaient les chasseurs dorsétiens et ont peut-être été utilisées dans des rituels entourant la chasse.

Une autre forme de décoration apparaît seulement sur de grosses têtes de harpons qui servaient apparemment à la chasse au morse. Les lignes rayées sur ces objets ne semblent pas avoir eu une signification magique; elles étaient probablement des marques individuelles de propriété. Lors d'une chasse communale, les chasseurs pouvaient utiliser ces marques pour prouver qu'ils étaient l'auteur du coup fatal et réclamer la part de gloire et de viande qui leur était due.

MCC S90 3963; CD95-279


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