Histoire

La naissance de l'art inuit contemporain

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

    Jusqu'à la fin des années 40, les Inuit du Canada étaient répartis dans quelque 800 petits groupes familiaux disséminés d'un bout à l'autre de la côte Arctique, et se déplaçant d'un campement à un autre au fil des saisons, à la poursuite du gibier et des animaux marins. Leurs contacts avec le sud du Canada se limitaient aux voyages occasionnels qu'ils faisaient aux comptoirs de la Compagnie de la Baie d'Hudson qui y avaient été établis au tournant des années 1900.

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

Dans les deux décennies qui suivirent - entre 1950 et 1970 - la société inuit connut de grands bouleversements sociaux et culturels. Leur mode de vie nomade fondée sur le trappage, la chasse et la pêche s'était effondré et nombreux furent les groupes qui subirent la dépossession et des périodes de famine. Le gouvernement canadien intervint en incitant les familles inuit à abandonner leur mode de vie nomade et à s'établir dans les villages qui avaient commencé à se développer autour d'un poste de traite, d'une chapelle missionnaire et d'un poste de la Gendarmerie royale du Canada.

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

S'intégrant petit à petit au système de l'économie monétaire, ces chasseurs accomplis et artisans experts se retrouvèrent dans une situation où le savoir-faire qui leur avait jusque-là permis de survivre dans un environnement extrêmement hostile n'était plus d'aucune utilité.

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord
Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

La plupart d'entre eux ne parlaient pas anglais, ne connaissaient que l'écriture syllabique, ils n'avaient aucune notion de l'arithmétique et ne savaient pas conduire un véhicule motorisé. La fierté et l'identité culturelle des Inuit se trouvaient ébranlées face à cette autre culture qui semblait posséder une technologie plus puissante et plus avancée.

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord

Certaines personnes clés se rendirent bientôt compte que ces chasseurs-cueilleurs nomades possédaient au moins une aptitude de grande valeur susceptible de leur rapporter de l'argent : un talent inné pour façonner des objets à partir d'os, d'ivoire et de pierre. Ces gens avaient dû, pour survivre, développer un sens aigu de l'observation, une mémoire visuelle étonnante et une créativité spontanée provenant de la nécessité d'imaginer et de fabriquer des objets quotidiens avec les matériaux qu'ils trouvaient dans l'environnement naturel. Ces compétences allaient faire d'eux d'excellents artistes.

Photographie : Peter Pitseolak, Musée canadien des civilisation/Musée McCord


James Houston avec des enfants inuit, 1953. Affaires indiennes et du Nord Canada

En 1948, James Houston, un jeune artiste de Toronto, qui avait visité un de leurs campements près d'Inukjuak, avait été fort impressionné par les petites sculptures que les gens lui avaient offertes en cadeau. Il en présenta un échantillon à la Corporation canadienne de l'artisanat (devenue par la suite la Guilde canadienne des métiers d'art) à Montréal. C'est ainsi que naquit l'art inuit contemporain.

James Houston avec des enfants inuit, 1953.
Affaires indiennes et du Nord Canada


James Houston dans un atelier d'estampes, 1962. Photographie : Charles Gimpel. Affaires indiennes et du Nord Canada

Peu de temps après, Houston retourna dans le Nord, visitant diverses collectivités inuit pour promouvoir l'artisanat, puis, avec l'aide de la Guilde et de la Compagnie de la Baie d'Hudson, le troc de petites sculptures contre du tabac, de la farine et des récipients devint une entreprise de grande envergure. Les petits objets cédèrent peu à peu la place à de véritables sculptures qui, partout dans le monde, émerveillaient le public par leur élégance, leur spontanéité et leur fraîcheur. Houston qui, par la suite, vécut pendant 12 ans à Cape Dorset, initia les Inuit aux techniques de la gravure.

James Houston dans un atelier d'estampes, 1962
Photographie : Charles Gimpel. Affaires indiennes et du Nord Canada


Ipeelee Osuitok. Photographie : Charlotte Rosshandler. Affaires indiennes et du Nord Canada

En fin de compte, l'activité artistique, et la sculpture en particulier, redonna à bon nombre d'Inuit un sentiment d'accomplissement personnel et de fierté culturelle. Le chasseur qui, auparavant, devait tuer le caribou pour subvenir aux besoins de sa famille, pouvait maintenant se procurer de la nourriture en vendant les caribous qu'il avait sculptés dans la pierre ou dans l'os. Le vif intérêt du public pour les sculptures représentant des scènes et des personnages de la vie inuit contribua grandement à raviver la fierté culturelle du peuple Inuit.

Ipeelee Osuitok.
Photographie : Charlotte Rosshandler.
Affaires indiennes et du Nord Canada



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